La réforme de la LPP en point de mire: Interview avec Conseiller aux États Damian Müller

Débats sur la prévoyance
Le Parlement fédéral a achevé la révision de la prévoyance professionnelle. Lors d’un entretien, le conseiller aux États Damian Müller exprime ses doutes quant à l’obtention d’une majorité de voix auprès de la population suisse. Il regrette qu’une mesure efficace visant à améliorer la situation financière des femmes et des personnes exerçant plusieurs emplois ait été rejetée.
13. juin 2023
Écrit par
Fabio Brunner
Responsable du marketing

Que pensez-vous de la révision de la LPP adoptée par le Parlement ?

Damian Müller: Nous devons prendre des mesures dans le domaine de la prévoyance professionnelle. Avant tout du fait de l’évolution démographique. Par ailleurs, le monde du travail et la vie de famille ont beaucoup changé ces dernières années. La révision répond à diverses préoccupations et pré- sente certains avantages. Nous nous sommes par exemple rapidement mis d’accord au Parlement sur la nécessité de réduire le taux de conversion.

Et les points faibles ?

DM Nous avons trop insisté sur les détails. Le Parlement a parfois perdu de vue l’ensemble de la question. Ou pour l’exprimer de manière plus tranchée: le Parlement a perdu le nord en débattant des détails.

Perdu le nord ?

DM: Nous n’avons pas introduit la LPP pour les personnes qui gagnent bien leur vie dans notre pays. La prévoyance professionnelle devait au contraire assurer aux personnes à bas et moyens revenus une stabilité financière après la retraite. La révision actuelle entraîne une baisse des rentes pour les bas revenus et une augmentation massive des coûts pour les employeurs, notamment pour les PME, les agriculteurs et les commerces. Et ce, bien que tous les partis se soient solennellement engagés au début à éviter précisément cela.

Parallèlement, la révision prévoit différentes mesures pour mieux assurer les travailleurs à temps partiel. La déduction de coordination doit être abaissée.

DM: La suppression totale de la déduction de coordination a longtemps été une vision partagée par tous les partis. Mais cela n’aurait tout simplement pas été finançable en une seule étape. Ma proposition était de réduire la déduction de moitié dans un premier temps, puis de la supprimer complètement en trois étapes. Les partenaires sociaux avaient également convenu de cette réduction de moitié. Cette mesure n’aurait toutefois pas été facile à supporter financiè- rement pour les petites entreprises et pour de nombreux employés à bas salaire. Néanmoins, la réduction de moitié aurait permis d’améliorer considérablement les rentes de nombreuses femmes et de personnes exerçant plusieurs emplois.

Quels sont les arguments en défaveur de la solution du pourcentage ?

DM: Cette solution, qui semble bonne et simple, est en réalité assez complexe et difficile à expliquer. C’est presque une suppression, mais pas tout à fait. En revanche, il y a plus d’inconvénients. La déduction de coordination doit être recalculée à chaque adaptation de salaire. La charge administrative pour les employeurs est nettement plus importante. Mais ce sont surtout les travailleurs à temps partiel à bas salaire qui subiront des déductions salariales beaucoup plus importantes – souvent plusieurs fois supérieures à celles d’aujourd’hui. Et leurs employeurs devront faire face à d’énormes coûts supplémentaires.

Mais cette solution conduit également à des cotisations d’épargne plus élevées et donc à des rentes plus élevées.

DM: Des cotisations d’épargne plus élevées signifient des déductions plus importantes. Et celles-ci sont douloureuses pour les personnes actives à bas revenus. Dans le feu de l’action, de nombreuses personnes aisées au Parlement ont sans doute oublié ce que cela signifie lorsqu’il manque soudain 100 francs à la fin du mois, quand le budget du ménage est déjà serré. Mais il est vrai qu’en contrepartie, les rentes des personnes travaillant à temps partiel augmenteront également. Mais nous parlons ici de peut-être 500 francs par mois au lieu de 300 après quarante ans de cotisations. Même ce montant ne suffira pas pour vivre décemment à la retraite, avec une rente AVS moyenne.

Vous vous êtes abstenu lors du vote final au Conseil des États. Quelle sera la décision du citoyen Damian Müller dans les urnes ?

DM: Heureusement que les votes sont secrets (rires). Lors des débats, je me suis engagé pour des valeurs de référence judicieuses et un projet équilibré. C’est pourquoi je suis particulièrement déçu par la décision concernant la déduction de coordination. C’est une décision précipitée et peu réfléchie.

Damian Müller, merci beaucoup pour cet entretien. Cette interview a été réalisée par Adrian Bühler (media-work gmbh)

Damian Müller
Conseiller aux États du canton de Lucerne

Damian Müller représente le canton de Lucerne au Conseil des États depuis 2015. Il fait partie de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS-E), dont il est actuellement le vice-pré- sident. Cet homme politique du Parti libéral-radical est âgé de 38 ans et vit à Hitzkirch. Damian Müller a initialement suivi un apprentissage de commerce. Aujourd’hui, il travaille à temps partiel comme conseiller senior en affaires publiques à la Mobilière.

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Fabio Brunner
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