Interview: Der digitale Wandel und das Schweizer Vorsorgesystem

Débats sur la prévoyance
Dans quelle mesure le virage numérique transformet-il le monde professionnel et donc notre modèle de prévoyance ? À la demande de PensExpert SA, l’Institut des assurances de l’Université de St.Gall (HSG) a étudié l’impact de la numérisation sur le système de prévoyance suisse. Responsable de cette étude, le professeur Dr. Martin Eling nous en explique les principaux résultats.
27. mai 2020
Écrit par
Fabio Brunner
Responsable du marketing

Monsieur Eling, la société et notre vie professionnelle se sont profondément transformées durant ces dernières décennies. Où a-t-on observé les plus importants changements ? 

Dans ce contexte, il faut souligner deux aspects essentiels. Les parcours professionnels stables ont muté pour devenir plus volatiles. Un employé change, aujourd’hui, plusieurs fois d’employeur et occupe plus souvent un poste à l’étranger pendant un certain temps mais surtout, son passage d’une activité indépendante à une activité dépendante n’a plus rien d’exceptionnel. 

Et le deuxième aspect ? 

Le nouveau monde du travail du 21e siècle se caractérise par une flexibilité très élevée des employés. En contraste avec le passé, nous voyons apparaître aujourd’hui, dans les sociétés, le partage des postes et des bureaux. Qui plus est, la séparation entre la vie familiale et professionnelle s’atténue de plus en plus et de nouvelles formes de travail voient le jour comme les « crowd-work » et « gig-work ». Tous ces aspects ont une énorme influence sur la prévoyance. 

Pourtant à son niveau, l’employé ne sait souvent pas quelles sont les prestations qui l’attendent à la retraite. Dans un monde toujours plus numérisé, il devrait être possible d’avoir une vue d’ensemble précise de ces informations. Votre étude montre qu’il y a une grande demande à ce sujet. 

La mosaïque actuelle est un problème. Si l’on demandait à tout un chacun le montant des prestations de prévoyance qui lui sera versé à la retraite, peu seraient capables de le quantifier précisément. Chacun sait par expérience que la lecture du certificat de caisse de pension est déjà une tâche difficile. Une solution numérique rassemblant toutes les informations nécessaires à la prévoyance et les présentant de manière compréhensible serait d’une aide précieuse. 

En Suède et en Autriche, ça fonctionne. Pourquoi pas en Suisse ? 

Il y a en Suisse environ 1500 caisses de pension qui se font concurrence et toutes devraient, en fait, être représentées sur une telle plateforme. Ensuite, il faudrait y intégrer l’Office fédéral des assurances sociales en tant que responsable de l’AVS. Les prestataires des différents piliers 3a devraient également mettre leurs données à disposition. Tout cela donne une idée du défi organisationnel à relever. Pourtant, au 21e siècle, cela devrait être réalisable. 

Dans votre étude, vous avez questionné un large public et des experts à propos de ce poste de pilotage pour la prévoyance et les deux groupes ont approuvé en grande majorité la proposition. 

Tout à fait et j’espère que le résultat de cette étude réussira donc à susciter un débat politique afin que la carte de prévoyance virtuelle et transparente voit enfin le jour.  

La pandémie du Covid-19 accélère le processus de solutions numériques. Est-ce que cela aura un impact sur les systèmes de prévoyance ? 

D’un côté, la pandémie augmente la pression dans la prévoyance, en particulier à cause de la situation difficile sur les marchés des capitaux, mais d’un autre côté, nous nous trouvons en ce moment en mode de crise. En politique, il n’y a actuellement presque plus qu’un seul sujet : la pandémie. Cette année, les propositions de réforme prévues pour le système de prévoyance ne seront donc pas reprises par les politiques.  

La pandémie a donné ses lettres de noblesse au télétravail. Quels autres développements sociaux a-t-elle promus ? 

La solidarité augmente dans la population entre jeunes et vieux, biens portants et malades, entre les groupes à risque et les autres. Pourtant certains sont sceptiques et posent la question : la solidarité existe-t-elle ? À cela, je réponds : oui, elle existe. Et pour la prévoyance c’est un signal positif. 

Vous croyez qu’à l’avenir, les retraités seraient plutôt disposés à renoncer à leurs droits ? Ce sont les plus grands bénéficiaires de la redistribution entre les jeunes et les vieux.  

Cette redistribution est une erreur dans la conception du deuxième pilier. Il faut appeler les choses par leur nom. Le taux de conversion est défini sur une base politique et non selon des critères objectifs, comme l’espérance de vie et le niveau des taux d’intérêt. Cette redistribution est gigantesque et s’élève chaque année à des milliards de francs. 

Pourtant, la population active ne semble pas être sensibilisée à cette anomalie. Y-aurait-il une utilité à ce que les caisses de pension affichent précisément la somme redistribuée sur le certificat de prévoyance des assurés ? 

Certainement. La somme redistribuée devrait être visible. Et, comme indiqué, il ne s’agit pas ici de petits montants, on parle chaque année de milliers voire de dizaines de milliers de francs pour chacun des employés. 

Presque personne ne conteste la grande pression réformatrice pesant sur la prévoyance. Qu’est-ce qu’il y aurait de plus urgent à changer ? 

Nous avons constaté dans cette étude qu’une flexibilisation et une augmentation de la marge de manœuvre individuelle étaient souhaitées. Il faudrait d’abord introduire un poste de pilotage numérique, afin que chacun puisse voir sa situation de prévoyance en toute transparence. Dans une deuxième étape, il faudrait prendre des mesures pour établir l’équité intergénérationnelle.  

La problématique de la prévoyance est connue de tous, mais rien ne change. L’influence du numérique nous place au seuil d’un changement radical dans le monde professionnel. Ne faudrait-il donc pas aussi des changements radicaux du modèle de prévoyance ? 

Des changements fondamentaux sont, certes, envisageables mais nous devons à tout prix empêcher que le compromis du partenariat social, mis en place entre les employeurs et les employés sur des décennies, ne soit insidieusement sapé sous prétexte de numérisation. Ce partenariat social constitue une partie des points forts de notre système de prévoyance. Pourtant nous devons clairement moderniser et adapter le système. 

Cette étude vous a permis d’enquêter sur l’option du libre choix de la caisse de pension. Quels sont les résultats ? 

Le grand public n’a pas adhéré autant à cette proposition qu’à celle du poste de pilotage. Les experts en prévoyance sont très sceptiques vis-à-vis du libre choix de la caisse de pension. Maintenant pour faire jouer la concurrence, il serait, bien sûr, souhaitable d’avoir une plus grande liberté de choix. 

Mot clé « modernisation » ; comment doit-on évaluer les fameux comptes dits « d’unités de valeur » venus d’Allemagne ?  

C’est un concept intéressant, qui est déjà implémenté dans différents pays et qui mériterait d’être examiné pour la Suisse. 

Pouvez-vous expliquer brièvement le concept de ces comptes « d’unités de valeur » ? 

Les heures supplémentaires et aussi une partie du salaire devraient, si cela est souhaité, être collectées comme des avoirs d’unités de valeur et être utilisées de manière f lexible pour des congés sabbatiques, une formation à l’étranger, les soins de proches et la préretraite. Mais ce n’est pas prévu dans les modèles actuels des heures supplémentaires en Suisse, pourtant cela répondrait mieux à la nouvelle réalité des vies professionnelle et privée. 

Cela sonne presque comme un quatrième pilier ? 

Tout à fait. Une plus forte flexibilisation de la vie professionnelle toucherait un point sensible, justement auprès des jeunes employés.  


Écrit par
Fabio Brunner
Responsable du marketing